Un monde, des Idees - One World, Many Ideas

Haiti


Etre plus bas que Terre

Plus bas que terre

 

Il y a un adage vieux comme le monde souvent utilisé en Afrique de l'ouest : On ne peut pas être plus bas que la terre. Cette expression est souvent utilisée dans des situations de grandes difficultés, où les individus se sentent acculés par des déconvenues dont ils ne contrôlent plus la fréquence et surtout les trajectoires qu'elles apportent. Au vu des évènements de 2010, tout porte à croire que le sort s'est acharné sur Haïti pour la mettre plus bas que terre. Leur terre a tremblé en engloutissant 60% de leurs maisons déstructurant la physionomie de leur ville et réduisant tout leur effort économique et politique à néant. Ensuite vient le temps des alertes cycloniques qui nouent les cœurs à chaque alerte météo car on se demande quand les forces de la nature vont ramener tous les haïtiens en-dessous de la terre. On se cache, on va dans des airs de rassemblement en attendant l'ouragan et puis il ne se passe rien de grave. Mais à chaque annonce son angoisse car chaque fois ont prédit que cette tempête sera la plus terrible et cela rend encore l'inquiétude plus intense. C'est dans cette instabilité émotionnelle que surgit la maladie du malheur, un choléra déchainé qui a décidé de décimer tout le peuple. Les prêtes vodou sont assassinés, les casques bleues sri-lankais sont détestés car tous les deux groupes sont accusés d'avoir apporté le virus destructeur. En voila une passe. Comme une malédiction qui s'acharne sur la vie, le positif et l'espoir. Voila bien des gens qui peuvent être malheureux et se replier sur eux même. Ils vivent en réalité le fameux mythe de Sisyphe devant les caméras du monde. Des efforts chaque fois anéantis par le destin. Et pourtant…

 

Et pourtant la vie continue de plus belle en Haïti. En voila des gens qui ont des leçons de vie à partager avec le reste du monde. Les réalités du monde croisées par-ci par-là démontrent avec force que  les endroits du monde soumis à la rudesse climatique, à la violence politique ou à la barbarie militaire ont récréé un modèle humain disparus depuis la domestication des bêtes et le développent de l'agriculture. C'est le modèle de l'homme résilient. Décomplexé de la possession ou fataliste à la possibilité d'une amélioration matérielle de leur existence, ces femmes et hommes réinventent la vie. Les haïtiens font partie de cette catégorie de gens dont les contraintes extérieures les poussent à réinventer la vie. La vie musicale, religieuse, sociale est intensément riche et innovante. Elle est poussée par la violence calme qui détruit rêve et espoir et forge des être supra résilient capable d'accepter même le pire. Et le pire est la diabolisation de l'homme politique et de l'homme blanc. Quand la croyance publique édite en loi que la politique est par essence néfaste et impure et que l'homme blanc en est son instigateur, on  peut y voir la silhouette du pire. Et le pire sont des malades non soignés, des enfants non scolarisés, des routes défoncées, des villes sans électricité, des sectes manipulateurs, des sociétés déconnecté de fait par manque d'unité idéologique et politique.

 

Je reste impuissant face à ce qui se passe. Ma mission brève avec recul n'a pas apporté grande chose et je perçois la suite avec pessimisme. Mais parce que je ne suis plus de ces êtres supra-résilients qui peuvent encore supporter des violences excessives. J'ai encore des convulsions de révolte, des démangeaisons de réaction, une idéologie post-réactionnaires qui croit encore en des solutions et non à l'anarchie. Et tout ce que je peux souhaiter est que ceux que j'ai croisé, à leur niveau, avec leur moyen, gardent leur résilience mais en acceptant la part de réaction qui est en eux. Il ne s'agit ni plus ni moins que de l'agressivité naturelle qui pousse à la survie, à se défendre.

 

Aujourd'hui je suis au Niger. Réalités différentes mais les mêmes attitudes face à la vie. A suivre..

 

Marc SEKPON

 


08/01/2011
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Un bout de chemin


Je vous ai promis une série de reportage, d’une visite d’Haïti au travers de mes yeux. Vous savez déjà que le destin en a décidé autrement et que je suis rentré plus vite que prévu. J’étais à Grand Goave, petite ville balnéaire de la région ouest. J’ai partagé le quotidiens de mes collègues, haïtiens comme européens. Nous rêvions d’apporter la différence. Certes la machine est lancée mais la tache reste titanesque. Et en plein milieu de chemin une autre trajectoire.

 

Je sais que je ne donne pas trop de descriptif de ce que nous faisons. Parce que c’est vaste et en même temps peu visible. On travail sur des mutations, des transitions de situations existentielles, sur des dynamiques sociales qui se jouent sur des générations. C’est déconcertant parfois de dire qu’on relie les parents et leur enfant perdu quand on s’aperçoit que les causes profondes qui provoquent cette déchirure ne sont pas traitées. Alors c’est difficile de parler du vrai travail humanitaire. C’est ingrat, c’est long et ce n’est pas toujours photogénique. Mais en somme nous avons construit des espaces de jeux, nous avons réuni les enfants séparés de leurs parents, nous avons retrouvé des familles pour des orphelins, nous avons formé des travailleur sociaux, nous avons apporté de l’eau à des communautés, nous avons construit des maisons pour des personnes touchées par le séisme, nous avons soigné les enfants malnutris. J’ai discuté de politique sociale avec les autorités de cette ville, nous avons organisé la préparation des habitants à faire face aux inondations et ouragan et nous avons égayé les rues de la ville en l’envahissant avec des chants et des jeux d’enfants.

 

Des collègues heureux de faire avancer les choses

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des enfants qui prennent possession de leur devenir

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vois à travers ce qu'on fait qu'on ne change pas le monde. Je vois aussi que nous naviguons dans un monde de requins avec des enjeux géopolitiques énormes et des intérêts divergents. On génère des conflits et on brasse un fric monstrueux. Mais peut-on dissocier l’acte du sens ? Au delà de cela; il arrive que des sourires éclatent derrière les abris de fortunes, que des vies s'améliorent par un petit projet, que la trajectoire de certaines femmes changent parce que nous les avons formé, ou qu'un enfant échappe au trafic parce que nous l'avons repéré et lui avons apporté protection. Eh ben la vérité est que même si cela concerne 1 seule personne, alors le jeu en vaut la chandelle. Et cela permet au gens de se rencontrer, qu'un béninois partage sa vision du monde avec un jeune haïtien qui n'est jamais sorti de chez lui.

 

Quelques réalisations

 

 

 


 

 

 

La vie continue

 

Les rues sont toujours aussi colorées avec des bus et camions aux couleurs arc-en-ciel. Ils traversent les rues et les maisons complètement ou à moitié détruites avec du compas (musique 100% haïtienne) et du hip hop à fond la caisse. Les hommes sont en débardeurs, cheveux rasta, crépus ou crane rasé. Ils sont musclés et beaux avec des airs décomplexés. Les femmes sont naturellement belles, habillées à l’américaine mais avec une touche caribéenne (le chapeau et les couleurs) et les filles habillées très sexy et dans les villages à moitié à poil en se lavant dans les fontaine publiques des rues. C’est sensuel, c’est libre, c’est détendu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Port au Prince la capitale, à quelques  rues du grand bâtiment de Digicel (la plus grosse compagnie de téléphonie du pays), des rues immondes entre des canaux jonchés d’ordures et des vendeurs de fruits et légumes. Dès qu’il pleut c’est l’horreur et ont peu comprendre l’expansion récente du choléra. Avec le tremblement de terre du 12 jan 2010, l’infrastructure sanitaire déjà en piteux état s’est effondrée. La capitale peint bien cette contradiction du pays, entre le sable fin des plages caribéen et les résonances visuelles de la misère. Et au deal de tout cela, le sort, la destinée, la promesse de Dieu. Les haïtiens sont de cœur africains et par destin caribéens. Il y a donc une question d’identité qui est complexe : une identité ethnique, une identité d’ex-esclave, une identité religieuse, une identité insulaire,  une identité révolutionnaire, une identité américaine…..    

 

Une destruction encore visible

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Combien d'années faut-il pour déblayer tout ça? o parle de 20 ans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La ville dépeint par les images cette contradiction entre les sables fins et les ordures qui pourrissent à Port au Prince

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce pays me fascine et malgré que le destin ait fait que mon séjour soit écourté, j’ai découvert une partie de l’âme africaine qui m’a chaviré. Comme quoi la culture demeure ce qui nous reste quand ont a tout perdu. Et après 400 ans, l’Afrique est restée immensément présent en préservant tout sa chaleur et couleurs. Et c’est promis, je reviendrai. Pour voir si la promesse sera tenue et si des débris et cendres naitrait un nouvel Haïti.

 

 

De la beauté absolue 

 

 

 

Et à la fin, cette sensation de déja vu. Cette jeune fille regarde le photographe comme élément du paysage. 

Les hatiens seront photographiés, filmés et leur images diffusées dans le monde entier. Et malgré cela, cette sensation que le monde ne peut plus rien pour eux. Pa Pi mal comme on dit en créole. Ils construiront leurs propres images.

 




05/11/2010
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Quand Jesus Envahit les rues de Haïti

Haiti

 

Je vais travailler sur une série de reportage photos pour vous faire entrer dans ce pays à travers mes yeux. Ma quête est connue, elle a toujours été simple : trouver ce qui est identique à traves les cultures et civilisations. Les peuples à travers des millénaires se sont adaptés aux pressions les plus extrêmes et possèdent une intelligence collective héritée de ces expériences. Cet héritage est ce qui nous maintient en vie et le partager est notre porte de survie. Je travaille sur les questions de misère, d’état d’extrême vulnérabilité et de pauvreté. Il se trouve que ces menaces ont toujours existé et que les civilisations et les cultures les ont gérées de façons diverses. L’échange entre les peuples, les cultures et les civilisations est le seul moyen d’échapper à notre disparition collective. Pourquoi cela ? Parce que tout simplement il y a autant de solutions que d’être humain sur la terre. Ma quête continue pour l’instant dans ce pays dénommé Haïti, qui possède une part des solutions aux problèmes du monde.

 

Avant de venir ici j’avais des informations de part et d’autre. Et comme chaque fois je me suis méfié des livres et des conteurs. Pour voir de mes propres yeux le vivant en mouvement. Parce que le vivant en action est toujours imprévisible, différent des projections.  J’ai entendu parler d’Haïti au travers du mot Vaudou, ce mot qui revient à la bouche de tout le monde tant les voyageurs étaient focalisés ou impressionnés par des pratiques religieuses aussi différentes des leurs. Je vous propose au travers de ce reportage, une approche multisectorielle de cette société.  

 

Haïti est dominé par un imaginaire religieux complexe qui déroute. Ce premier reportage est un visuel urbain, collectif. Il s’agit des transports en commun, ces bus aux milles couleurs et aux inscriptions prophétiques. Jésus est omniprésent et Dieu serait la providence. Jésus est surtout blond avec des longs cheveux et souvent teint en main une brebis. Un des versets du Nouveau testament dit : L’eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. C’est cette parabole qui est le plus représenté et transformant du coup les hommes en animal surtout connu pour son obissance et son attitude de suiveur. De façon ostentatoire des messages chrétiens s’imposent dans le paysage urbain et routier. A première vue il n’y aurait de place que pour les chrétiens, aucun bus ne porte des symboles musulmans ou vaudou et il se trouve que une bonne partie de ces camions ou bus appartienne à des libanais qui sont tous pour la plupart musulman. Ici commence la complexité du fait religieux haïtien, lieu de mélange de cultes et aussi de divinité échappant à la logique. Partons en route avec ces bus qui glorifient publiquement, juste avec un cout de pinceau, le tout puissant

Parcourons en image les rues de Haïti...

Pour le déblayage des rues, il y des gros camions, des énormes monstres vociférant qui parcourent les rues jours comme nuits

La joie est pour ceux qui craint Dieu

Des dessins impressionnants qui couvrent entièrement les bus et camions.

A défaut de place, un verset biblique fait office de slogan

Même le charbon qui est la cause majeure de déforestation ets transporté dans des bolides qui mentionnent la bénédiction divine.

 

On pourrait croire que c'est le même proriétaire, mais en fait non. Simple coincidence.

 

Message entre le vaudou et le catholique... un  mélange bien intégré

 

Une ville entièrement colorée... C'est beau

 

Un président qui est réclamé dans tout le monde négroïde. A défaut de porter le changement en interne, les yeux restent rivés sur un miracle venant d'ailleurs... un miracle divin attendu donc.

 

Entre Hip Pop et Divin, l'art mélange les mondes

 

Du grafitti dans l'iconographie réligieux

 

 

 

 

 

 

One race, mais Jesus reste un Hébreux oriental à la peau blanchi... Même dans l'imaginaire des mes collègue, Dieu ne peut être que Blanc. Alors que le blanc ici est intimement diabolisé, Dieu diable ne sont donc pas si loin...

 

 

Effectivement, Only one love... and love requires care....

A vous

                                 Marco SEKPON

 


02/06/2010
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Reconstruire une terre et un coeur

Bonjour amigo

Un petit silence qui signifie que je suis déjà dans le jus dès mon arrivée. Ce pays est magnifique mais la vie ne semble pas y être facile. Toujours cette histoire de gouvernance qui est la plupart du temps la cause des maux humains. Et en plus ici dame nature s'y mêle. La situation me semble moins dramatique que je pensais. Les haïtiens comme toujours luttent à leur façon pour échapper à la fatalité. Le pays est physiquement et psychologiquement détruit. Donc il s'agit évidemment d'une double reconstruction. On y apporte notre petit plus.

Je suis ici pour une année. Donc je m'installe avec mon équipe et je prends mes marques. On travaille prioritairement pour les enfants : contre les trafics, les exploitations, les maltraitances, les négligences, le traumatisme, l'abandon…C'est une équipe de 8 experts internationaux avec une centaine de personnel local. L'ambiance est caribéen et notre maison est à la plage. Mais la peur rode car les répliques du tremblement sont toujours présentes. La dernière fois c'est à 2 heures du Matin que la terre a décidé de se secouer de nouveau. J'ai eu une peur terrible car couché à ras le sol au premier étage j'ai pu sentir le tango que dansait la maison. Ça a duré 10 secondes, mais c'est marquant. On a donc sentit ce que vivent les gens d'ici : peur, doute. Dans cette atmosphère que nous on essaie de contribuer à la reconstruction. Actuellement c'est plutôt une énorme urgence qui risque de durer tellement les fondements du pays sont touchés. Il y a de l'argent. Mais comme vous savez, l'argent ne fait pas tout. Surtout pas reconstruire la confiance et le gout d'entreprendre. Reconstruire une terre et un cœur.

Vous me manquez et vos soutient me réconfortent. Que la vie continue d'être un combat et en même temps beau comme un poulet rôti (comme le dirait les maliens de Djéné)

A bientôt, sur le blog ou ailleurs.

Quelquers photos:

 

Un de mes collegues avec les gosses

 

Le pays des langoustes et des crabes géants

 

Là commence les similitudes avec le Bénin: des fêtes vodou en couleurs au rythme rapide

Des tuyeaux transformés en instrument à vent

 


08/04/2010
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