Un monde, des Idees - One World, Many Ideas

A la recherche du sens

Chers amis

Profitant d'une opportunité professionnelle, j'ai passé cette semaine 15 Avril 2019 en France sans femme et enfants et entrepris un mini tour de la bande révolutionnaire de 2001. Un périple qui a commencé avec Sandrine à Paris que je remercie énormément en passant pour tout son aide. 
 
Quand je rentre en France, mon terroir reste Bordeaux et ses environs. Étienne Sajous que beaucoup d'entre vous connaissent  est mon ami de longtemps et j'ai la chance de bénéficier de son hospitalité et de celle de sa famille. Je ne parlerais pas de lui mais les trajectoires de vie   sont senblables, les observations sont similaires: tout sauf des vies rectilignes. 
 
A Bordeaux  Yanno fêtait en musique et belle compagnie ses 39 ans. Il y avait plein de d'enfants et les cheveux des convives viraient couleur poivre. Le constat est simple: Non seulement on se multiplie, mais en plus on vieillit. On garde cependant cette force de vie qui nous caractérise depuis que nos chemins se sont croisés. Avec Yanno et Anne C on a refait le monde une nuit, le vendredi 11 Avril. Mais surtout nous avons  évoqué la tournure des choses, la déliquescence des services publiques et des relations entre les humains. On a arrosé tout cela de bon vin bio mais la roue est lancée: je suis rentré de plein fouet dans la vie introspective des acharnés du sens. Ceux qui ont opposé l'humanitaire et le développement aux attaques du 1 septembre 2001. Le monde a changé depuis. Puis nous avec. Yanno est devenu fonctionnaire et Anne C toujours infirmière. Et à 5 avec leurs 2 garçons et une fille ils cultivent dans le libourbais une forme de révolte silencieuse, celle de la transformation personnelle et de la transmission à leur enfants des valeurs positives. La recherche du sens. 
 
 
Cela faisait longtemps que je n'ai pas vue Clairette. La dernière fois remontait à 2015 où je suis passé la voir à Biarritz. Et cette fois-ci je suis encore face à ma colocataire d'y il y a 18 ans qui a modélisé sa reconversion: décroissance de luxe. Claire tient un bout de vérité que la plupart d'entre nous ont expérimenté sous d'autres formes: comment ne pas sacrifier le plaisir et la qualité de vivre au nom de la lutte contre l'injustice sociale ? Oui Claire tu as raison: il faut qu'on ait les ressources pour consommer bio et des voitures de qualité pour ne pas passer sa vie au garage. A biarritz la mer est disponible à volonté, presque tout est faisable à pied de chez Claire et si la drogue semble avoir raison de beaucoup de surfeurs, des luttes justes s'essèment grâce à eux pour garder la mer comme un bien collectif propre, gratuit et accessible.
 
Le Mercredi 17 Avril soir fut aussi intense qu'esperé. Le Yann Escout nous a rejoint pour une belle soirée musicale et philosophique. Et par un pur hasard, un autre ex humanitaire s'est ajouté au trio d'Ifaidiens. Depuis cette discussion très tardive du mercredi soir, une évidence m'est apparue: cette génération de quarantenaires à quelque chose à dire, ils sont à mi chemin d'un parcours dont les courbes deviennent plus raides. Il y a un risque réel que chacun prenne la tangente vers une direction très différente. 
 
Yann illustre avec force le repli vers le local, vers le noyau dur du communautaire où la collectivité prend toute sa noblesse. Où l'interdépendance revitalise l'humanité. Fake news, collapsing et effondrement global sont apparus comme des évidences. Thinkerview.com devient une source riche d'analyses alternatives. Après l'Afghanistan Yann s'est retiré dans le Béarn et y a développé les racines de sa survivance. Il y croit car au final la terre reste la dernière richesse qui nous reste et le débrouillardise notre arme final. 
 
J'ai continué chez Jérôme Romano, oui l'autre Jé que je n'ai pas revu depuis 2002.cela fait quand même 17 ans, bougre. Jé vit avec la belle Sarah dans un village magnifique que minuscule qui s'appelle Les Crozes, au Nord entre Bezier et Montpellier vers Clermont l'Herault. Dans ce village de 24 habitants, Sarah, Jé et Aurelio leur ado de 12 ans vivent sous l'hospitalité des autochtones qui les ont adopté. Sans surprise nous avons approfondi très vite les discussions comme  si on s'était quitté la veille. C'est dingue cette capacité que nous avons à  reconnecter aussi vite, s'aligner sur les accords de nos potes comme si on se connaissait depuis toujours. 17 ans sans se voir ce n'est pas rien, et pourtant Jé n'a pas changé à mes yeux. Évidemment les questions ne sont plus les mêmes, sa trajectoire personnelle et professionnelle ont changé mais cette quête de sens qui nous caractérise est intacte. Et Sarah est pareille, l'ouverture et la remise en cause perpétuelle. C'est à partir de là que je commençais à prendre conscience de ce qui m'arrivait. 
 
Parce que mine de rien j'ai senti qu'il y a quelques choses de profondément métaphysique qui est entrain de se vivre sous mes yeux: la génération altermondialiste qui était profondément inscrit dans le global à effectué une mutation systémique dans sa façon d'aborder la question  des inégalités sociales. Il y a une volonté réfléchie, théorisée même du retour au local, au nucléaire, à soi. Et cette écologie personnelle serait le socle pour résoudre le bordel global. A l'époque on disait en effet penser global et agir local. Mais le local ne se pensait pas aussi restreint, à des communautés aussi limitées. Cela est un gros changement dont il faut creuser les racines. Pour Jé et Sarah, cela se traduit par un travail qui donne du sens quite à gagner moins, une sociabilisation qui pars d'une identité de soi bien affirmée, d'un espace vital personnel qui permet la mise en perspective et enfin l'accès à la terre. Une maison avec un jardin, le maraîchage quand c'est possible, consommer bien et bio, et toute autres activités qui ramène à la terre, créent un lien plus étroit avec la terre. 
 
J'ai continué plus haut dans les cevenes pour aller revoir les terres de Mathilde. Rien d'étonnant que cette question de retour à la terre s'expriment dans toute sa splendeur au Bourret, nom donné au domaine de ma sœur Lucain. Mathilde s'est lancée un défi immense il y a plus de 10 ans et de ses efforts est sortie des ruines de pierre que nous avons vu il y a plus  de 12 ans. Au tisserands  du Burkina je disais il faut tresser l'espoir. Au Bourret Mathilde a Bâti l'amour. C'est long, comme toutes les bonnes choses c'est épuisant. Mais imaginez les maisons construite en 1 an, les montagnes gravi à l'aide de remontées mécaniques, les pays visités en 1 semaine: cela nous laisse souvent un goût d'inachevé, de déception ou de frustration. J'en ai vu des choses sublimées lors  de mes voyages, mais les ruines de pierres transformées en splendeurs sont rares. Et cela est à l'image de ce que j'ai observé chez les autres Ifaidiens croisés ces derniers jours: la quête ardente et incessante du sens, du beau et du local. Mathilde transforme tout ce qu'elle produit, les mange avec Jason son fils et François son compagnon, les vend à ses hôtes qui restent à la maison d'hôtes ou à Floirac dans un magasin co-géré avec d'autres producteurs. Bref, du communautaire et du local.
 
Je suis émerveillé et encore plus  confiant que jamais car c'est une sorte de micro radioscopie de la France de 2019. Ce n'est pas la France de Macron ni celle de Le Pen. J'ai eu envie d'écrire un livre sur ces vies qui en disent long sur nous, sur moi et sur notre génération d'humanitaires. Pourquoi pas un film avec de petits moyens si vous m'encourager à aller au bout de la réflexion. 
Mais parler de vous est une manière de parler aussi de moi, d'un regard particulier d'un africain global à l'heure du repli identitaire. Nos valeurs sont similaires mais nos moyens d'action divergent. Nos aspirations sont proches mais nos contraintes sont différentes. Mais au delà de ces aspects factuels, nous sommes nés sous  le règne de Mitterand, témoins du 11 septembre et de l'effondrement des équilibres du monde. Nous avons parcouru le monde, promu des valeurs et nous sommes témoins de nos échecs comme de nos succès. Nous avons le droit et peut être même l'obligation d'apporter dans le discours ambiant une perspective plus nuancée des enjeux actuels. Et nous n'avons pas besoin de théoriser car nous avons mis en pratique nos valeurs, nous les avons confrontées à d'autres idées et les avons mises en pratique. Notre expérience riche apporte une perspective empirique qui peut contribuer au débat. 
À 40 ans on peut encore changer le monde. Ou insuffler l'envie de le faire à nos enfants.
 
Je repars à Ouagadougou ce Lundi de Pâques avec un sourire au lèvres, en pensant à vous, vos vies et vos trajectoires. Source d'inspiration. 
 
Quelques photos ici pour le plaisir, vous verrez qu'on a pas vieilli, contrairement à ce que pense Mathilde. https://photos.app.goo.gl/Yd1kAqLkPr6j4iSA7


22/04/2019
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