Humanitaire
Le dictionnaire non-conventionnel de l'Humanitaire
Les maisons de fortune, les vies entassées, dévalorisées, âmes funambules qui avec le temps nous paraissent de moins en moins importants. Dans notre jargon on parle de bénéficiaires, de population cible ou populations locales. Depuis 3 ans j'ai vu énormément de regards, de visages ravagés mais étrangement fiers, de personnes qui absorbent mes paroles sans trop oser me contredire parce que je représente l'ONG bienfaitrice. Les mots dans l'action humanitaire mérite un dictionnaire spécifique, qu'on pourrait par exemple nommé « le dictionnaire universelle des désillusions humanitaires ». En voila trois que je propose de détailler ici : la participation, la capacity building et bénéficiaire. Ce sont des mots très rependus et très employés dans le milieu.
Mercredi 27 juin 2007. Je suis a l'aéroport Charles de Gaules, en attente pour le vol Paris Ndjamena. J'ai fais la rencontre de M. X N. Il est dans la haute finance du gouvernement tchadien et on a eu un échange électrique. Je lisais mes rapports de mission et apparemment il remarqué le logo de l'ONG sur les documents :
- Vous êtes un humanitaire, me demande t-il ?
- En effet, je pars pour ACF pour gérer la base de Dogdoré.
- C'est bien ça, nous somme très reconnaissant de votre support a la population tchadienne (dis son collègue qui voyage avec lui)
- Je me méfie moi des humanitaires. Il donnent la charité par la main droite, mais ils font leur business par derrière
- Vous vous trompez monsieurs, nous ne venons pas tous pour faire du business. Il y a les entrepreneurs pour ça.
- Vous etes bien naïfs jeune homme. On connaît ceux qui portent les doubles casquettes. De nos fonctions nous avons accès à des informations de hautes importances. Nous laissons faire tant que ça ne fait pas du tord a notre nation ou des préjudices à notre économie. Mais sachez que c'est un business comme les autres. Nous avons les yeux ouverts.
Je voulais l'incendier et lui repopndre que ça fait trois ans que je suis dans la brousse du Darfour et de l'est du Tchad pour colmater les dégâts que causent les guerres dont ils sont les commanditaires. Mais je voyais que cela ne servirait pas a grande chose et il semble sur de lui avec ses preuves. Oui les bénéficiaires sont pour certains des clients ou des moyens de pénétration dans certain marché. Comment est on passé du sens victime au sens d'instrument, d'outils ou de client ?
Je me rappelle du visage de Saley à Al Fasher, cette bourgade par où a commencé la guerre du Darfour. Saley c'est un sage, une âme nomade qui a traversé toute l'Afrique australe et qui parle une dizaine de langues. Des gens comme ça en Europe sont pris pour des intellectuels mais ici il est bénéficiaire et doit se soumettre au logique du donneur. La main du receveur en dessous de celle du donneur. Cela est si vrai dans ce métier. Oui c'est vrai mais intelligemment caché sous des mots et des déguisements stratégiques.
Mon collègue a envoyé 3 fois son employé local demander le prix de l'essence sur le village de Dogdoré. Sauf qu'il n'a pas été précis dans la consigne, l'employé se plante à chaque fois. Chaque fois que l'employé revient il lui passe le savon en lui posant des question très humiliantes de type sais tu combien de litre il y a dans 20L, as-tu compté le nombre de litres disponible chez le revendeurs, tu es sur de ce que tu dis car je risque d'aller vérifier ? Quand je luis pose la question sur tout ce va-et-vient inutile, il me dit que c'est pour renforcer sa capacité de purshaser (Acheteur). Comment peut-on renforcer la capacité des gens en les dévalorisant ou en montrant qu'ils sont inférieurs a nous. Ça m'agace et forcement je finis par lui dire : « mais va chercher toi-même ce prix, montre lui par l'exemple si tu sais si bien le faire. » L'ego en prend un coup et forcement ça se chamaille et ça tire la gueule.
C'est cette tutelle idéologique qu'il faut dénoncer car la capacity building dans la pratique pose comme postulat l'inadaptabilité des connaissances locales ou la médiocrité des acquis traditionnelle. Pressé d'aider, pressé de transférer ses connaissances ? On comprend par nos propres contradictions l'attentisme des populations et le fait que nous ne représentons que des hawadja (étrangers) incompréhensibles qui distribuent de l'argent. Ça nous colle à la peau et des bénéficiaires n'hésitent pas à barrer des routes ou nous prendre en otage et exiger de l'argent pour nous laisser partir.
Marco S.
Mon Darfour - Les ailes cassées
C’est l’histoire d’un oiseau
Un beau et
rayonnant oiseau
Un oiseau au
plumage élégant qui rêve d’atteindre les sommets du ciel
Un oiseau épanouit
qui jouit de la vie, de l’air et du soutien de ses semblables
Un futur oiseau aux ailles cassées
Alors j’ai embarqué avec mes idéaux et mes papiers
Chevaucher la
terre des FOUR en avion et à dos de
chameaux.
Mission
humanitaire pour sauvegarder l’humanité
Mission
humanitaire pour sauver de l’animalité
Action humanitaire pour réhabiliter les ailes cassées
J’ai parcouru de long en large les camps aux âmes
fracassées
Ici vivent des
centaines de vie entassées
Sous des abris de
fortune et des plastics made USA
Je compte par
centaine des vies brisées à l’autel des forces armées
Tous ces enfants à qui on a ôté le droit de s’amuser
Tous ces adultes qui en leur nom blablatent à la télé
Je les invite à venir voir ici, ceux dont on a brisé
La vie maintenant et pour les futures générations sacrifiées
Ceux à qui on a transmis l’art de la haine
C’est âmes vierges gravées au sceau de la violence
Des enfants traumatisés à vie, des fiertés traditionnelles bafouées à
jamais
Darfour, je t’ai connu quand tu écroulais sous les
rafales de balles
Tu commençais à
peine à pousser des ailles
Tes buissons
commençaient à peine à prendre feu
Je t’ai connu
quand tu écroulais sous les rafales de balles
Tes crises
commençaient à peine à germer
Tu ne pensais pas
à la moisson
Pourtant le mil
semé en Août se ramasse en Octobre
Et qui sème la
violence récolte la déchirure
Plus de 5 ans que
tu croupisses
Plus de 5 ans que
tes enfants deviennent fous
Plus de 5 ans que tes petits sont témoins de la violence
Il faudra crier plus fort que les armes.
Les armes crient
et leurs sons étouffent la voix de la raison.
Et au nom d'elles
le monde patauge dans une boue mortelle.
Des armes pour les
vaincu en quête de revanche,
Des armes pour ceux
qui communiquent à coup d’actions et d’explosion.
Partout où je
traîne, les armes hurlent leur mépris
On s’habitue à eux
et on vit sous des couvre-feux.
Il faut savoir
cacher ses larmes
Il faut savoir
retenir ses cris de haine
Etouffer à jamais
ce qui nous reste d'amour
Les enfants du
silence sont là pour témoigner
Pour exprimer leur
peine qu’on ne peut exorciser
Nous ne sommes pas
tous assujettis comme des moutons
Et comme les
soldats au front
Faire les jobs de
bouffon
Cette barbarie
nous hante comme une vulgaire fessée de jeunesse
Impossible
indifférence face aux hurlements des missiles
Car la vie inspire une pensée douce
Une volonté saine
qui étouffe ses cris de haine
Une joyeuse
farandole de mots
Pour se rassurer
que quelque chose est encore possible
Pour pouvoir
départager par l’action
L'amour et la
haine qui nous hantent.
Un futur oiseau aux ailles cassées
Action humanitaire pour réhabiliter les ailes cassées
Tous ces enfants à qui on a ôté le droit de s’amuser
Tous ces adultes qui en leur nom blablatent à la télé
Je les invite à venir voir ici, ceux dont on a brisé
La vie maintenant et pour les futures générations sacrifiées
Ceux à qui on a transmis l’art de la haine
C’est âmes vierges gravées au sceau de la violence
Des enfants traumatisés à vie, des fiertés traditionnelles bafouées à
jamais
Plus de 5 ans que tes petits sont témoins de la violence