Une longue marche contre le communautarisme et pour l’humanisme
Serait-ce le triomphe de la lâcheté depuis que la morale est devenue marchande ? La lâcheté de ne pas prendre position, la lâcheté de se laisser faire, de ne pas voir ce qui se passe dehors ! La lâcheté du silence et de la complaisance, la lâcheté d’avoir peur de ses propres idées. Des actes barbares se défilent en fil continu, se racontent avec véhémence, malhonnêteté ou émotions dans les media et réseaux. Il s’en dégage un sentiment de profonde injustice, de guerre perpétuelle, de souffrance voulue et orchestrée par certains qui pensent que c’est ce qu’il faut faire pour avoir la « la paix ». An 2014 après le Christ, le monde humain se plonge dans un affreux abîme autodestructeur. Un Chao général, partout, en public comme en privé, où la violence devient maître, envahisse les conversations et nous plonge dans un désarroi profond. Plus de refuge nulle part, les conflits et leurs lots de haine, de deshumanisation se transposent, s’imposent dans nos vie, nos couples, dans notre travail, partout et toujours. Par reflexe on essaye de se protéger, on essaye de ne pas lire ces journaux monotones et désinformants, on cherche un refuge, un oasis de sérénité, le détachement et la grande paix intérieure. Mais c’est une mission impossible. Comme une onde, ces désolations se propagent de façon uniforme, partout, de la source jusqu’à chacun d’entre nous, d’une façon ou d’une autre. Nous sommes bien connectés, les un aux autres, avec nos forces de destructions et nos espoirs bien compromis.
Il y a comme un terrible sentiment d’échec global, que nos idées ne sont pas partagées par la majorité et cette majorité est polarisée, aime les matches où il y a des vainqueurs et des vaincus, et indirectement aime les guerres, les situations polarisées, les pensées rectilignes, des idées sans nuances, des choses simples comme un « like » sur les réseaux sociaux. Avec cette majorité, il y a toujours une explication pour un avion civiles qu’on démolie avec un missile, des enfants qu’on bombarde sur une plage de Gaza, des gens qui meurent sur un bateaux en tentant d’attendre l’Italie, des femmes kidnappées et utilisées comme moyens d’échange, la guerre préventive et ses relents de violence légitimée, la planète sacrifiée et les hommes asservis. Cette majorité qui vote, qui consomme et qui consciemment ou inconsciemment décident de nos destinées collectives.
Serait-ce le triomphe de la lâcheté ou le nivèlement global vers un monde « apolitique » ? Un monde ou chacun se préoccupe de soi et ne peut plus voir le monde dans une perspective collective ? Le triomphe de l’individu sur la société ? Cette majorité qui vote nous construit un monde apolitique, ou les idées n’auront plus de nuances, ou la souffrance des autres ne serait plus ressentie, ou tout aurait une explication simple, même les pires atrocités que nous pouvons commettre individuellement ou collectivement. Voila ce que j’appelle un monde apolitique : un monde ou le pouvoir n’est pas en place pour réguler la violence individuelle et promouvoir les intérêts collectifs, mais un monde où les bas instincts des individus seraient le dénominateur de la donne politique. C’est le triomphe de la lâcheté et l’avènement d’un monde apolitique qui continuera à engendrer frustrations, conflits, violence, l’individualisme pathologique et une deshumanisation progressive.
Mais je garde l’espoir que cette majorité ne vaincra pas. Nous serons là, dans la vie réelle, dans chaque maison, dans chaque quartier, dans chaque ville, dans tous les pays pour exprimer et faire valoir le bonheur que constitue de penser le monde au pluriel, de sentir la joie et la souffrance des autres et de partager les richesses de la terre et diffuser à toute l'humanité les connaissances accumulées par les hommes dans leur aventure terrienne. Une longue marche contre le communautarisme et pour l’humanisme.
Le dictionnaire non-conventionnel de l'Humanitaire
Les maisons de fortune, les vies entassées, dévalorisées, âmes funambules qui avec le temps nous paraissent de moins en moins importants. Dans notre jargon on parle de bénéficiaires, de population cible ou populations locales. Depuis 3 ans j'ai vu énormément de regards, de visages ravagés mais étrangement fiers, de personnes qui absorbent mes paroles sans trop oser me contredire parce que je représente l'ONG bienfaitrice. Les mots dans l'action humanitaire mérite un dictionnaire spécifique, qu'on pourrait par exemple nommé « le dictionnaire universelle des désillusions humanitaires ». En voila trois que je propose de détailler ici : la participation, la capacity building et bénéficiaire. Ce sont des mots très rependus et très employés dans le milieu.
Mercredi 27 juin 2007. Je suis a l'aéroport Charles de Gaules, en attente pour le vol Paris Ndjamena. J'ai fais la rencontre de M. X N. Il est dans la haute finance du gouvernement tchadien et on a eu un échange électrique. Je lisais mes rapports de mission et apparemment il remarqué le logo de l'ONG sur les documents :
- Vous êtes un humanitaire, me demande t-il ?
- En effet, je pars pour ACF pour gérer la base de Dogdoré.
- C'est bien ça, nous somme très reconnaissant de votre support a la population tchadienne (dis son collègue qui voyage avec lui)
- Je me méfie moi des humanitaires. Il donnent la charité par la main droite, mais ils font leur business par derrière
- Vous vous trompez monsieurs, nous ne venons pas tous pour faire du business. Il y a les entrepreneurs pour ça.
- Vous etes bien naïfs jeune homme. On connaît ceux qui portent les doubles casquettes. De nos fonctions nous avons accès à des informations de hautes importances. Nous laissons faire tant que ça ne fait pas du tord a notre nation ou des préjudices à notre économie. Mais sachez que c'est un business comme les autres. Nous avons les yeux ouverts.
Je voulais l'incendier et lui repopndre que ça fait trois ans que je suis dans la brousse du Darfour et de l'est du Tchad pour colmater les dégâts que causent les guerres dont ils sont les commanditaires. Mais je voyais que cela ne servirait pas a grande chose et il semble sur de lui avec ses preuves. Oui les bénéficiaires sont pour certains des clients ou des moyens de pénétration dans certain marché. Comment est on passé du sens victime au sens d'instrument, d'outils ou de client ?
Je me rappelle du visage de Saley à Al Fasher, cette bourgade par où a commencé la guerre du Darfour. Saley c'est un sage, une âme nomade qui a traversé toute l'Afrique australe et qui parle une dizaine de langues. Des gens comme ça en Europe sont pris pour des intellectuels mais ici il est bénéficiaire et doit se soumettre au logique du donneur. La main du receveur en dessous de celle du donneur. Cela est si vrai dans ce métier. Oui c'est vrai mais intelligemment caché sous des mots et des déguisements stratégiques.
Mon collègue a envoyé 3 fois son employé local demander le prix de l'essence sur le village de Dogdoré. Sauf qu'il n'a pas été précis dans la consigne, l'employé se plante à chaque fois. Chaque fois que l'employé revient il lui passe le savon en lui posant des question très humiliantes de type sais tu combien de litre il y a dans 20L, as-tu compté le nombre de litres disponible chez le revendeurs, tu es sur de ce que tu dis car je risque d'aller vérifier ? Quand je luis pose la question sur tout ce va-et-vient inutile, il me dit que c'est pour renforcer sa capacité de purshaser (Acheteur). Comment peut-on renforcer la capacité des gens en les dévalorisant ou en montrant qu'ils sont inférieurs a nous. Ça m'agace et forcement je finis par lui dire : « mais va chercher toi-même ce prix, montre lui par l'exemple si tu sais si bien le faire. » L'ego en prend un coup et forcement ça se chamaille et ça tire la gueule.
C'est cette tutelle idéologique qu'il faut dénoncer car la capacity building dans la pratique pose comme postulat l'inadaptabilité des connaissances locales ou la médiocrité des acquis traditionnelle. Pressé d'aider, pressé de transférer ses connaissances ? On comprend par nos propres contradictions l'attentisme des populations et le fait que nous ne représentons que des hawadja (étrangers) incompréhensibles qui distribuent de l'argent. Ça nous colle à la peau et des bénéficiaires n'hésitent pas à barrer des routes ou nous prendre en otage et exiger de l'argent pour nous laisser partir.
Marco S.
Myanmar - Une dictature intégrée
Je t'ai connu en 2004, puis en 2008. Tu as toujours le même charme mais malheureusement toujours sur la mauvaise pente. La dame, comme on l’appelle, Aung San Su Kyi est toujours en résidence surveillée. Il y a une Américain Mormon qui aurait fait une vision nocturne prédicant des malheurs qui arriveraient à la dame. Alors en Mai 2009 il décida de traverser le Lac Inya qui mène dans la maison mise ne surveillance de la dame et s'y introduit clandestinement. Il voulais lui annoncer l'épée de Damoclès qui trainait sur elle. Mais que peut bien t-il arriver de pire à une dame de 60 ans enfermé depuis plus de deux décennies? Hah! ces mormons et leur vision! Il ne demande qu'à être maudit lui pour faire des choses pareilles. Ça fait presque 20 ans que la dame est liquidée politiquement et quand l'espoir d'une libération se pointe, on a eu droit au coup foireux du Mormon américain. Le comble. Du coup pas trop d'évolution et la dame reprend 5 ans de résidence surveillée. La prison quoi!
Rien n'a changé, toujours le même numéro 1
et curieusement il a une santé de fer. Mais son homologue Nord Coréen n’est pas
en très bonne santé, comme quoi il y a un espoir que les crapules ne puissent
détromper la mort. Le futur est sombre pour ce pays qui n’a connu que des
guerres et des gens en treillis depuis 50 ans.
Les espoirs semblent étouffés, les
révoltes tannées, les idées mort-nées car on a procédé a une opération de grand
nettoyage des cerveaux. De façon propre et méthodique. La violence ici est
calme. Contrairement a ce que l’on croit il n’y pas des militaires partout avec
des Kalash. La violence est diffuse, intégrée, assimilée et confiée aux
victimes eux même. C’est le pays des dénonciations et des chantages. Le petit
vendeur du coin est un indicateur, tout le monde renseigne sur tout le monde.
Ce qui fait de ce pays l’un des plus verrouillé du monde car la violence légitime
du pouvoir est exercée par le peuple même. On peut dire sans cynisme que ce
pays a perfectionné l’art de la dictature et du contrôle des mentalités. Tout
changement sera lent, et passera nécessairement par une phase de chaos avec un
lourd tribu humain à payer. Ce sera le prix a payer sinon rien ne changera et
le Général accouchera d’autres généraux une fois arraché par la grande
faucheuse. Mais plus facile à dire quand on a le ventre plein et qu'on a jamais
fait l'expérience des prisons de Mandalay. Un enfer sur terre.
Et si seulement j'ai une baguette
magique.... Mais on peut quand même témoigner.
Marco
A la recherche du sens
Chers amis
Tabaski
Aujourd’hui beaucoup d’entre nous seront sacrifiés sur le feu
J’ai vu un des nôtres gigoter sur le sol, les pieds attachés et entourés d’hommes sérieux
Leurs regards sont déterminés et incisifs, leurs allures décidées et fières
Mon heure ne tardera pas à sonner, impuissance qui affronte la fatalité mortifère
Environnement assourdissant, anxiété acharnée en ce jour de bénédiction
Nous voilà enfin à destination, là où nous sommes attendus pour la grande célébration
Voyage et errance épuisants depuis les zones désertiques du Ténéré
L’agitation collective, la poussière, puis la ville où tout semble désespéré
Ici s’est opérée la séparation, nous voilà démantelés par groupe d’acquéreurs
Je sens le souffle de la mort, dans le regard des miens comme dans ceux des prédateurs
La poussière s’est mélangée aux gaz d’échappement et autres puanteurs des trottoirs
Mon corps épuisé flaire l’odeur morbide ambiante, condamné pour le sacrifice expiatoire
Autour de moi le même désarroi, dix yeux baveux exprimant la terreur de cette tragédie
L’errance s’arrête ici, dans cet enclos débridé qui nous plonge tous dans la nostalgie
Oubliées les grandes aires verdoyantes et l’harmonie naturelle
Ici et maintenant, nous seront sacrifiés pour le rituel
Méthodiquement commença le décompte macabre,
Le liquide rouge déborde de la fosse et abreuve sillons et racines d’arbre
Déjà sur le sol trois des nôtres trémoussent, victimes du carnage
Soudain, au bout de la trajectoire le glaive trancha pour toujours ma gorge
Mon sang a abreuvé les cavités et les sillons de dévotion
Adoration, ferveur, les hommes savourent avec jubilation
Ils lèvent les mains au ciel et demandent la bénédiction paternelle
A croire que pour toujours notre sang frayera le chemin vers l’éternel
Marc Sekpon
Octobre 2012