Un monde, des Idees - One World, Many Ideas

Une longue marche contre le communautarisme et pour l’humanisme

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Serait-ce le triomphe de la lâcheté depuis que la morale est devenue marchande ? La lâcheté de ne pas prendre position, la lâcheté de se laisser faire, de ne pas voir ce qui se passe dehors ! La lâcheté du silence et de la complaisance, la lâcheté d’avoir peur de ses propres idées. Des actes barbares se défilent en fil continu, se racontent avec véhémence, malhonnêteté ou émotions dans les media et réseaux. Il s’en dégage un sentiment de profonde injustice, de guerre perpétuelle, de souffrance voulue et orchestrée par certains qui pensent que c’est ce qu’il faut faire pour avoir la « la paix ». An 2014 après le Christ, le monde humain se plonge dans un affreux abîme autodestructeur. Un Chao général, partout, en public comme en privé, où la violence devient maître, envahisse les conversations et nous plonge dans un désarroi profond. Plus de refuge nulle part, les conflits et leurs lots de haine, de deshumanisation se transposent, s’imposent dans nos vie, nos couples, dans notre travail, partout et toujours. Par reflexe on essaye de se protéger, on essaye de ne pas lire ces journaux monotones et désinformants, on cherche un refuge, un oasis de sérénité, le détachement et la grande paix intérieure. Mais c’est une mission impossible. Comme une onde, ces désolations se propagent de façon uniforme, partout, de la source jusqu’à chacun d’entre nous, d’une façon ou d’une autre. Nous sommes bien connectés, les un aux autres, avec nos forces de destructions et nos espoirs bien compromis.

 

Il y a comme un terrible sentiment d’échec global, que nos idées ne sont pas partagées par la majorité et cette majorité est polarisée, aime les matches où il y a des vainqueurs et des vaincus, et indirectement aime les guerres, les situations polarisées, les pensées rectilignes, des idées sans nuances, des choses simples comme un « like » sur les réseaux sociaux.  Avec cette majorité, il y a toujours une explication pour un avion civiles qu’on démolie avec un missile, des enfants qu’on bombarde sur une plage de Gaza, des gens qui meurent sur un bateaux en tentant d’attendre l’Italie,  des femmes kidnappées et utilisées comme moyens d’échange, la guerre préventive et ses relents de violence légitimée, la planète sacrifiée et les hommes asservis. Cette majorité qui vote, qui consomme et qui  consciemment ou inconsciemment décident de nos destinées collectives.

 

Serait-ce le triomphe de la lâcheté ou le nivèlement global vers un monde « apolitique » ? Un monde ou chacun se préoccupe de soi et ne peut plus voir le monde dans une perspective collective ? Le triomphe de l’individu sur la société ? Cette majorité qui vote nous construit un monde apolitique, ou les idées n’auront plus de nuances, ou la souffrance des autres ne serait plus ressentie, ou tout aurait une explication simple, même les pires atrocités que nous pouvons commettre individuellement ou collectivement. Voila ce que j’appelle un monde apolitique : un monde ou le pouvoir n’est pas en place pour réguler la violence individuelle et promouvoir les intérêts collectifs, mais un monde où les bas instincts des individus seraient le dénominateur de la donne politique. C’est  le triomphe de la lâcheté et l’avènement d’un monde apolitique qui continuera à engendrer frustrations, conflits, violence, l’individualisme pathologique et une deshumanisation progressive.

 

Mais je garde l’espoir que cette majorité ne vaincra pas. Nous serons là, dans la vie réelle, dans chaque maison, dans chaque quartier, dans chaque ville, dans tous les pays pour exprimer et faire valoir le bonheur que constitue de penser le monde au pluriel, de sentir la joie et la souffrance des autres et de partager les richesses de la terre et diffuser à toute l'humanité les  connaissances accumulées par les hommes dans leur aventure terrienne. Une longue marche contre le communautarisme et pour  l’humanisme.


20/07/2014
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Le dictionnaire non-conventionnel de l'Humanitaire

Les maisons de fortune, les vies entassées, dévalorisées, âmes funambules qui avec le temps nous paraissent de moins en moins importants. Dans notre jargon on parle de bénéficiaires, de population cible ou populations locales. Depuis 3 ans j'ai vu énormément de regards, de visages ravagés mais étrangement fiers, de personnes qui absorbent mes paroles sans trop oser me contredire parce que je représente l'ONG bienfaitrice. Les mots dans l'action humanitaire mérite un dictionnaire spécifique, qu'on pourrait par exemple nommé « le dictionnaire universelle des désillusions humanitaires ». En voila trois que je propose de détailler ici : la participation, la capacity building et bénéficiaire. Ce sont des mots très rependus et très employés dans le milieu.

 Bénéficiaire : personne qui tire avantage de, personne recevant un gain, un profit, personne recevant l'aide d'une action. L'humanitaire existe parce qu'il y a des bénéficiaires. Le terme recouvre une connotation dans l'action humanitaire : il est connoté victimes. Contrairement comme dans le secteur financier ou le bénéficiaire est l'heureux stratège qui réussit a accumuler des profits. Donc initialement et de façons presque systématiques, le bénéficiaire représente une victime qui nécessite protection et assistance. Les deux mots assistance et protection ont toute leur importance car l'action se résume a ces deux aspect : assister dans l'urgence et protéger contre des menaces futures qui pourrait rendre encore victimes. Il y a une relation triangulaire effrayante entre les trois acteurs qui sont : les donateurs, les exécutants de l'aide et les bénéficiaires. Dans ce triangle certain essaie même de sortir les bénéficiaires du système en les remplaçants par les pourvoyeurs de la crise. On a arrive a un schéma monstrueux de ces acteurs triangulaires qui agissent sur les bénéficiaires. Cela suppose qu'il y a une relation entre les commanditaires de la violence et les acteurs humanitaires protecteurs des victimes bénéficiaires. Et nommer cette relation nous ramène à une réalité moins homérique qui nous échape. En effet on arrive à cette instrumentalisation terrifiante qui ferait que les vraies termes seraient proche du langage économique : zone d'intervention è territoire d'opportunité, zone prioritaire è part de marché, et enfin bénéficiaires è clients.

Mercredi 27 juin 2007. Je suis a l'aéroport Charles de Gaules, en attente pour le vol Paris Ndjamena. J'ai fais la rencontre de M.  X N. Il est dans la haute finance du gouvernement tchadien et on a eu un échange électrique. Je lisais mes rapports de mission et apparemment il remarqué le logo de l'ONG sur les documents :

-          Vous êtes un humanitaire, me demande t-il ?

-          En effet, je pars pour ACF pour gérer la base de Dogdoré.

-          C'est bien ça, nous somme très reconnaissant de votre support a la population tchadienne (dis son collègue qui voyage avec lui)

-          Je me méfie moi des humanitaires. Il donnent la charité par la main droite, mais ils font leur business par derrière

-          Vous vous trompez monsieurs, nous ne venons pas tous pour faire du business. Il y a les entrepreneurs pour ça.

-          Vous etes bien naïfs jeune homme. On connaît ceux qui portent les doubles casquettes. De nos fonctions nous avons accès à des informations de hautes importances. Nous laissons faire tant que ça ne fait pas du tord a notre nation ou des préjudices à notre économie. Mais sachez que c'est un business comme les autres. Nous avons les yeux ouverts. 

Je voulais l'incendier et lui repopndre que ça fait trois ans que je suis dans la brousse du Darfour et de l'est du Tchad pour colmater les dégâts que causent les guerres dont ils sont les commanditaires. Mais je voyais que cela ne servirait pas a grande chose et il semble sur de lui avec ses preuves. Oui les bénéficiaires sont pour certains des clients ou des moyens de pénétration dans certain marché. Comment est on passé du sens victime au sens d'instrument, d'outils ou de client ? 

Je me rappelle du visage de Saley à Al Fasher, cette bourgade par où a commencé la guerre du Darfour. Saley c'est un sage, une âme nomade qui a traversé toute l'Afrique australe et qui parle une dizaine de langues. Des gens comme ça en Europe sont pris pour des intellectuels mais ici il est bénéficiaire et doit se soumettre au logique du donneur. La main du receveur en dessous de celle du donneur. Cela est si vrai dans ce métier. Oui c'est vrai mais intelligemment caché sous des mots et des déguisements stratégiques.

 La participation. Vient du latin participatore, qui signifie prendre part. Elle est introduite dans les années 60 par des agences comme USAID et ensuite par les nations unies et rependu aujourd'hui dans les discours comme dans les stratégies d'interventions sur les zones en crises. Initialement ce sont des outils empruntés à la recherche dans les sciences sociales qui exigent que la compréhension des populations et de leur histoire peut se faire que s'ils participent à la définition des concepts et fournissent des clés de lecture. L'humanitaire l'a repris au départ pour faire des enquêtes rapides pour lancer des programmes et ensuite une tentative a été faite pour faire prendre part les communautés aux décisions de gestion de crise ou d'action de développment. Aujourd'hui la participation est rendue obligatoire par des outils comme le cadre logique et la logique des bailleurs de fond qui imposent des critères de participation communautaire. Mais « prendre part » a quoi dans cette machine humanitaire si pressée d'aider. Tout le monde est pressé d'aider et tout le monde veut faire participer tout le monde. Un exemple :

 Aujourd'hui 07-07-07. Je suis a Dogdoré, 300 km au sud est de Abéché, la deuxième ville du Tchad. Date étrange avec que des sept et des zéro mais les faits sont significatifs. Je suis le chef de base de ACF ici pour un mois, le temps que ACF trouve quelqu'un qui accepte une mission dans la brousse pour une longue durée. J'ai appelé les Sheiks (chefs de différents villages) pour une réunion de mise au point. Il avait été question dans notre projet de réhabilitation de point d'eau, que les communautés sont sensées apporter un apport en ressources humaines pour aider les techniciens payés par ACF. Cependant, sur les 12 points à réhabiliter, 6 ont été faits sans soucis et le reste posent problème du fait que les gens souhaitent se faire payer maintenant. ONG= argent et en plus ces blancs on peut négocier avec eux. Mais sauf que nous, l'argent on en a, mais dans notre projet on avait dit que les populations bénéficiaires seront impliquées. Donc on applique et on « fait chier » ces populations pour faire respecter ce principe. Dans notre jargon on parle de participation communautaire. Sauf que nous décidons a quoi ils vont participer, une manière de respecter les exigences de bailleurs de fond. Je suis la personne qui est censée répéter ça au villageois. Je suis assez convaincant dans ces moments et je leur raconte sans détour: « les fonds des ONG viennent de personnes pas forcement riches de partout en Europe, on ne saurait expliquer a ces donneurs que la communauté n'est même pas capable de fournir juste 2 ou trois personnes par jours alors que les donneurs ont pris sur leur maigres revenues. Votre participation montrerait aussi votre volonté d'aider votre communauté à sortir de cette situation et mobiliserait d'autres acteurs humanitaires a venir vous  aider ». L'échange fut bref mais convaincante, suivie de sourire et d'acceptation du principe. Voila, je viens de leur faire accepter qu'il s'engage a participer a mon projet car c'est dans leur intérêt et c'est bien pour eux. Un cas classique de cette nébuleuse dénommée participation.

 Capacity building : renforcement des capacités : Je vois les choses avec du recule et au travers des dernières expériences, des réponses sont venues de façons fracassantes. Il y a une frénésie intellectuelle qui bouffe le monde humanitaire. On se complait dans nos propres contradictions car les questions sont vraiment épineuses entre l'aide proprement dite et toutes ses travers politiques et idéologiques. En fait on se retrouve en face de jeunes hommes/femmes idéalistes ou opportunistes pris dans des systèmes politiques qu'ils comprennent peu ou qu'il font semblant de maîtriser par des débats dithyrambique et généralement infondés. Les mots ont énormément d'importance et nous les manipulons a outrance pour nous rassurer. Comme capacity building. Parmi tous les mots du jargon humanitaire celui la me fait particulièrement mal car la beauté du concept ne traduit pas la médiocrité des pratiques. Quelle capacité peut construire une jeune fille de 25 ans dans un pays qu'elle ne connais pas et avec une expérience de vie limitée au contexte européen où a quelques voyages exotiques ? Il y a une volonté non manifeste de dissimuler la médiocrité sous un vocabulaire professionnel et humaniste. Depuis 50 ans on fait du renforcement des capacités, et peut-être qu'il nous faut encore 200 ans pour y arriver. Un exemple :

Mon collègue a envoyé 3 fois son employé local demander le prix de l'essence sur le village de Dogdoré. Sauf qu'il n'a pas été précis dans la consigne, l'employé se plante à chaque fois. Chaque fois que l'employé revient il lui passe le savon en lui posant des question très humiliantes de type sais tu combien de litre il y a dans 20L, as-tu compté le nombre de litres disponible chez le revendeurs, tu es sur de ce que tu dis car je risque d'aller vérifier ? Quand je luis pose la question sur tout ce va-et-vient inutile, il me dit que c'est pour renforcer sa capacité de purshaser (Acheteur). Comment peut-on renforcer la capacité des gens en les dévalorisant ou en montrant qu'ils sont inférieurs a nous. Ça m'agace et forcement je finis par lui dire : « mais va chercher toi-même ce prix, montre lui par l'exemple si tu sais si bien le faire. » L'ego en prend un coup et forcement ça se chamaille et ça tire la gueule.

C'est cette tutelle idéologique qu'il faut dénoncer car la capacity building dans la pratique pose comme postulat l'inadaptabilité des connaissances locales ou la médiocrité des acquis traditionnelle. Pressé d'aider, pressé de transférer ses connaissances ? On comprend par nos propres contradictions l'attentisme des populations et le fait que nous ne représentons que des hawadja (étrangers) incompréhensibles qui distribuent de l'argent. Ça nous colle à la peau et des bénéficiaires n'hésitent pas à barrer des routes ou nous prendre en otage et exiger de l'argent pour nous laisser partir.

Des mots. Derrière les mots on peut tout mettre. Et tant que les pratiques seront aussi médiocres et que des mots seront utilisés pour les cacher, le témoignage sera une arme de correction et de changement. Continuons ce dictionnaire illustré.

Marco S.


06/10/2009
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Myanmar - Une dictature intégrée

Je t'ai connu en 2004, puis en 2008. Tu as toujours le même charme mais malheureusement toujours sur la mauvaise pente. La dame, comme on l’appelle, Aung San Su Kyi est toujours en résidence surveillée. Il y a une Américain Mormon qui aurait fait une vision nocturne prédicant des malheurs qui arriveraient à la dame. Alors en Mai 2009 il décida de traverser le Lac Inya qui mène dans la maison mise ne surveillance de la dame et s'y introduit clandestinement. Il voulais lui annoncer l'épée de Damoclès qui trainait sur elle. Mais que peut bien t-il arriver de pire à une dame de 60 ans enfermé depuis plus de deux décennies? Hah! ces mormons et leur vision! Il ne demande qu'à être maudit lui pour faire des choses pareilles. Ça fait presque 20 ans que la dame est liquidée politiquement et quand l'espoir d'une libération se pointe, on a eu droit au coup foireux du Mormon américain. Le comble. Du coup pas trop d'évolution et la dame reprend 5 ans de résidence surveillée. La prison quoi!

Rien n'a changé, toujours le même numéro 1 et curieusement il a une santé de fer. Mais son homologue Nord Coréen n’est pas en très bonne santé, comme quoi il y a un espoir que les crapules ne puissent détromper la mort. Le futur est sombre pour ce pays qui n’a connu que des guerres et des gens en treillis depuis 50 ans.

Les espoirs semblent étouffés, les révoltes tannées, les idées mort-nées car on a procédé a une opération de grand nettoyage des cerveaux. De façon propre et méthodique. La violence ici est calme. Contrairement a ce que l’on croit il n’y pas des militaires partout avec des Kalash. La violence est diffuse, intégrée, assimilée et confiée aux victimes eux même. C’est le pays des dénonciations et des chantages. Le petit vendeur du coin est un indicateur, tout le monde renseigne sur tout le monde. Ce qui fait de ce pays l’un des plus verrouillé du monde car la violence légitime du pouvoir est exercée par le peuple même. On peut dire sans cynisme que ce pays a perfectionné l’art de la dictature et du contrôle des mentalités. Tout changement sera lent, et passera nécessairement par une phase de chaos avec un lourd tribu humain à payer. Ce sera le prix a payer sinon rien ne changera et le Général accouchera d’autres généraux une fois arraché par la grande faucheuse. Mais plus facile à dire quand on a le ventre plein et qu'on a jamais fait l'expérience des prisons de Mandalay. Un enfer sur terre.

Et si seulement j'ai une baguette magique.... Mais on peut quand même témoigner.

Marco


16/10/2009
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A la recherche du sens

Chers amis

Profitant d'une opportunité professionnelle, j'ai passé cette semaine 15 Avril 2019 en France sans femme et enfants et entrepris un mini tour de la bande révolutionnaire de 2001. Un périple qui a commencé avec Sandrine à Paris que je remercie énormément en passant pour tout son aide. 
 
Quand je rentre en France, mon terroir reste Bordeaux et ses environs. Étienne Sajous que beaucoup d'entre vous connaissent  est mon ami de longtemps et j'ai la chance de bénéficier de son hospitalité et de celle de sa famille. Je ne parlerais pas de lui mais les trajectoires de vie   sont senblables, les observations sont similaires: tout sauf des vies rectilignes. 
 
A Bordeaux  Yanno fêtait en musique et belle compagnie ses 39 ans. Il y avait plein de d'enfants et les cheveux des convives viraient couleur poivre. Le constat est simple: Non seulement on se multiplie, mais en plus on vieillit. On garde cependant cette force de vie qui nous caractérise depuis que nos chemins se sont croisés. Avec Yanno et Anne C on a refait le monde une nuit, le vendredi 11 Avril. Mais surtout nous avons  évoqué la tournure des choses, la déliquescence des services publiques et des relations entre les humains. On a arrosé tout cela de bon vin bio mais la roue est lancée: je suis rentré de plein fouet dans la vie introspective des acharnés du sens. Ceux qui ont opposé l'humanitaire et le développement aux attaques du 1 septembre 2001. Le monde a changé depuis. Puis nous avec. Yanno est devenu fonctionnaire et Anne C toujours infirmière. Et à 5 avec leurs 2 garçons et une fille ils cultivent dans le libourbais une forme de révolte silencieuse, celle de la transformation personnelle et de la transmission à leur enfants des valeurs positives. La recherche du sens. 
 
 
Cela faisait longtemps que je n'ai pas vue Clairette. La dernière fois remontait à 2015 où je suis passé la voir à Biarritz. Et cette fois-ci je suis encore face à ma colocataire d'y il y a 18 ans qui a modélisé sa reconversion: décroissance de luxe. Claire tient un bout de vérité que la plupart d'entre nous ont expérimenté sous d'autres formes: comment ne pas sacrifier le plaisir et la qualité de vivre au nom de la lutte contre l'injustice sociale ? Oui Claire tu as raison: il faut qu'on ait les ressources pour consommer bio et des voitures de qualité pour ne pas passer sa vie au garage. A biarritz la mer est disponible à volonté, presque tout est faisable à pied de chez Claire et si la drogue semble avoir raison de beaucoup de surfeurs, des luttes justes s'essèment grâce à eux pour garder la mer comme un bien collectif propre, gratuit et accessible.
 
Le Mercredi 17 Avril soir fut aussi intense qu'esperé. Le Yann Escout nous a rejoint pour une belle soirée musicale et philosophique. Et par un pur hasard, un autre ex humanitaire s'est ajouté au trio d'Ifaidiens. Depuis cette discussion très tardive du mercredi soir, une évidence m'est apparue: cette génération de quarantenaires à quelque chose à dire, ils sont à mi chemin d'un parcours dont les courbes deviennent plus raides. Il y a un risque réel que chacun prenne la tangente vers une direction très différente. 
 
Yann illustre avec force le repli vers le local, vers le noyau dur du communautaire où la collectivité prend toute sa noblesse. Où l'interdépendance revitalise l'humanité. Fake news, collapsing et effondrement global sont apparus comme des évidences. Thinkerview.com devient une source riche d'analyses alternatives. Après l'Afghanistan Yann s'est retiré dans le Béarn et y a développé les racines de sa survivance. Il y croit car au final la terre reste la dernière richesse qui nous reste et le débrouillardise notre arme final. 
 
J'ai continué chez Jérôme Romano, oui l'autre Jé que je n'ai pas revu depuis 2002.cela fait quand même 17 ans, bougre. Jé vit avec la belle Sarah dans un village magnifique que minuscule qui s'appelle Les Crozes, au Nord entre Bezier et Montpellier vers Clermont l'Herault. Dans ce village de 24 habitants, Sarah, Jé et Aurelio leur ado de 12 ans vivent sous l'hospitalité des autochtones qui les ont adopté. Sans surprise nous avons approfondi très vite les discussions comme  si on s'était quitté la veille. C'est dingue cette capacité que nous avons à  reconnecter aussi vite, s'aligner sur les accords de nos potes comme si on se connaissait depuis toujours. 17 ans sans se voir ce n'est pas rien, et pourtant Jé n'a pas changé à mes yeux. Évidemment les questions ne sont plus les mêmes, sa trajectoire personnelle et professionnelle ont changé mais cette quête de sens qui nous caractérise est intacte. Et Sarah est pareille, l'ouverture et la remise en cause perpétuelle. C'est à partir de là que je commençais à prendre conscience de ce qui m'arrivait. 
 
Parce que mine de rien j'ai senti qu'il y a quelques choses de profondément métaphysique qui est entrain de se vivre sous mes yeux: la génération altermondialiste qui était profondément inscrit dans le global à effectué une mutation systémique dans sa façon d'aborder la question  des inégalités sociales. Il y a une volonté réfléchie, théorisée même du retour au local, au nucléaire, à soi. Et cette écologie personnelle serait le socle pour résoudre le bordel global. A l'époque on disait en effet penser global et agir local. Mais le local ne se pensait pas aussi restreint, à des communautés aussi limitées. Cela est un gros changement dont il faut creuser les racines. Pour Jé et Sarah, cela se traduit par un travail qui donne du sens quite à gagner moins, une sociabilisation qui pars d'une identité de soi bien affirmée, d'un espace vital personnel qui permet la mise en perspective et enfin l'accès à la terre. Une maison avec un jardin, le maraîchage quand c'est possible, consommer bien et bio, et toute autres activités qui ramène à la terre, créent un lien plus étroit avec la terre. 
 
J'ai continué plus haut dans les cevenes pour aller revoir les terres de Mathilde. Rien d'étonnant que cette question de retour à la terre s'expriment dans toute sa splendeur au Bourret, nom donné au domaine de ma sœur Lucain. Mathilde s'est lancée un défi immense il y a plus de 10 ans et de ses efforts est sortie des ruines de pierre que nous avons vu il y a plus  de 12 ans. Au tisserands  du Burkina je disais il faut tresser l'espoir. Au Bourret Mathilde a Bâti l'amour. C'est long, comme toutes les bonnes choses c'est épuisant. Mais imaginez les maisons construite en 1 an, les montagnes gravi à l'aide de remontées mécaniques, les pays visités en 1 semaine: cela nous laisse souvent un goût d'inachevé, de déception ou de frustration. J'en ai vu des choses sublimées lors  de mes voyages, mais les ruines de pierres transformées en splendeurs sont rares. Et cela est à l'image de ce que j'ai observé chez les autres Ifaidiens croisés ces derniers jours: la quête ardente et incessante du sens, du beau et du local. Mathilde transforme tout ce qu'elle produit, les mange avec Jason son fils et François son compagnon, les vend à ses hôtes qui restent à la maison d'hôtes ou à Floirac dans un magasin co-géré avec d'autres producteurs. Bref, du communautaire et du local.
 
Je suis émerveillé et encore plus  confiant que jamais car c'est une sorte de micro radioscopie de la France de 2019. Ce n'est pas la France de Macron ni celle de Le Pen. J'ai eu envie d'écrire un livre sur ces vies qui en disent long sur nous, sur moi et sur notre génération d'humanitaires. Pourquoi pas un film avec de petits moyens si vous m'encourager à aller au bout de la réflexion. 
Mais parler de vous est une manière de parler aussi de moi, d'un regard particulier d'un africain global à l'heure du repli identitaire. Nos valeurs sont similaires mais nos moyens d'action divergent. Nos aspirations sont proches mais nos contraintes sont différentes. Mais au delà de ces aspects factuels, nous sommes nés sous  le règne de Mitterand, témoins du 11 septembre et de l'effondrement des équilibres du monde. Nous avons parcouru le monde, promu des valeurs et nous sommes témoins de nos échecs comme de nos succès. Nous avons le droit et peut être même l'obligation d'apporter dans le discours ambiant une perspective plus nuancée des enjeux actuels. Et nous n'avons pas besoin de théoriser car nous avons mis en pratique nos valeurs, nous les avons confrontées à d'autres idées et les avons mises en pratique. Notre expérience riche apporte une perspective empirique qui peut contribuer au débat. 
À 40 ans on peut encore changer le monde. Ou insuffler l'envie de le faire à nos enfants.
 
Je repars à Ouagadougou ce Lundi de Pâques avec un sourire au lèvres, en pensant à vous, vos vies et vos trajectoires. Source d'inspiration. 
 
Quelques photos ici pour le plaisir, vous verrez qu'on a pas vieilli, contrairement à ce que pense Mathilde. https://photos.app.goo.gl/Yd1kAqLkPr6j4iSA7

22/04/2019
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Tabaski

Aujourd’hui beaucoup d’entre nous seront sacrifiés sur le feu

J’ai vu un des nôtres gigoter sur le sol, les pieds attachés et entourés d’hommes sérieux

Leurs regards sont déterminés et incisifs, leurs allures décidées et fières

Mon heure ne tardera pas à sonner, impuissance qui affronte la fatalité mortifère

 

Environnement assourdissant, anxiété acharnée en ce jour de bénédiction

Nous voilà enfin à destination, là où nous sommes attendus pour la grande célébration

Voyage et errance épuisants depuis les zones désertiques du Ténéré

L’agitation collective, la poussière, puis la ville où tout semble désespéré

 

Ici s’est opérée la séparation, nous voilà démantelés par groupe d’acquéreurs

Je sens le souffle de la mort, dans le regard des miens comme dans ceux des prédateurs

La poussière s’est mélangée aux gaz d’échappement et autres puanteurs des trottoirs

Mon corps épuisé flaire l’odeur morbide ambiante, condamné pour le sacrifice expiatoire

 

Autour de moi le même désarroi, dix yeux baveux exprimant la terreur de cette tragédie

L’errance s’arrête ici, dans cet enclos débridé qui nous plonge tous dans la nostalgie

Oubliées les grandes aires verdoyantes et l’harmonie naturelle

Ici et maintenant, nous seront sacrifiés pour le rituel

 

Méthodiquement commença le décompte macabre,

Le liquide rouge déborde de la fosse et abreuve sillons et racines d’arbre

Déjà sur le sol trois des nôtres trémoussent, victimes du carnage

Soudain, au bout de la trajectoire le glaive trancha pour toujours ma gorge

 

Mon sang a abreuvé les cavités et les sillons de dévotion

Adoration, ferveur, les hommes savourent avec jubilation

Ils lèvent les mains au ciel et demandent la bénédiction paternelle

A croire que pour toujours notre sang frayera le chemin vers l’éternel

 

Marc Sekpon

Octobre 2012


 


29/10/2012
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